DE L’HYSTÉRIE À LA RECONNAISSANCE DU TRAUMA -
CHAPITRE 3 -
ANNÉES 70-80
En 1980, pour la première fois, le syndrome caractéristique du traumatisme psychologique devient un vrai diagnostic. Il aura fallu que des hommes soient victimes des terribles violences de la guerre du Vietnam et que la société soit prête à l’entendre pour que cette reconnaissance soit possible. Celles subies par les femmes et les enfants se seront poursuivies pendant près de cent ans dans un silence assourdissant.
C’est le mouvement de libération des femmes initié dans les années 70 qui permet de refaire émerger dans la sphère publique les pathologies post-traumatiques les plus courantes : celles des femmes et des enfants dans la sphère privée.
Mais à la même époque, cette reconnaissance des violences sexuelles est assortie d’un discours pro-pédophile. Le mot lui même prête à confusion puisque dans son étymologie, il signifie « celui qui aime les enfants – ami des enfants ». Ce discours assure alors que non seulement le pédophile ne cherche pas à détruire l’enfant mais qu’il aspire au contraire à le libérer, à l’épanouir en l’autorisant à exprimer ses pulsions.
Dans une interview de 1979, Françoise Dolto, l’une des figures de proue de la défense des enfants, déclare en parlant de l’inceste : « Il n’y a pas de viol, elles sont consentantes (…) Une fille violée par son père a simplement compris que son père l’aimait et qu’il se consolait avec elle parce que sa femme ne voulait pas faire l’amour avec lui (…) Il suffit que la fille refuse de coucher avec lui en disant que cela ne se fait pas, pour qu’il la laisse tranquille (...). Il n’insistera pas parce qu’il sait que l’enfant sait que c’est défendu (…) et qu’il a tout de même peur que sa fille en parle. »
ON EN RESTE SANS VOIX
L’enfant étant enfin reconnu comme un être à l’égal de l’adulte, il en aurait la capacité de lui résister… Et de l’exprimer...
Nous savons aujourd’hui à quel point parler des agressions sexuelles, physiques et/ou psychologiques est difficile, souvent impossible. La pression sociale, l’amnésie traumatique, le doute et la sensation d’irréalité inhérente au trauma, la culpabilité, la peur du rejet des proches, la honte, les violences ou humiliations redoublées, l’éventualité de ne pas être crue ou pire encore d’être accusé de mensonge pour manipuler,… Enfin, le parcours du combattant d’une action en justice - si tant est que les faits de soient pas prescrits - et la quasi impossibilité d’y trouver réparation.
QUELQUES CHIFFRES
Tout comme pour les premiers psychanalystes qui ont étudié l’hystérie, les chiffres des violences faites aux femmes et aux enfants restent difficiles à croire tellement ils sont impressionnants.
Dans le début des années 80, une première enquête épidémiologique sérieuse fut conduite et révéla qu’une femme sur quatre avait été violée, et qu’une sur trois avait subi des abus sexuels au cours de l’enfance. Deux tiers des femmes qui ont subi l’inceste seront violées - à nouveau - par la suite.
Aujourd’hui, 50 à 60 % des personnes hospitalisées en psychiatrie sont des survivants de maltraitances physiques ou psychiques pendant l’enfance. Le pourcentage monte à 70% en urgence psychiatrique.
Et c’est sans compter tous les souvenirs enfouis qui ne remonteront jamais à la conscience, abandonnant les victimes aux errances thérapeutiques.
OÙ EN SOMMES NOUS AUJOURD’HUI ?
Nous avons bien heureusement beaucoup avancé ces dernières années grâce à la libération de la parole, notamment au mouvement Metoo et aux recherches sur les capacités psychiques des enfants, les questions de l’attachement, du consentement, les processus de sidération, de dissociation, de dépersonnalisation,...
Ces sujets intéressent aujourd’hui la société et font débat, enfin ! Mais nous ne sommes certainement qu’au début de la plongée vers la pointe de l’iceberg et d’une sortie massive du déni des violences subies entre les murs des centres d’accueils, églises, gymnases, casernes, plateaux de cinéma, … Et surtout de nos propres maisons.
La famille nucléaire reste un bastion quasiment imprenable du patriarcat. Les abus de pouvoir y prennent racines pour être admis comme norme et intégrés dans notre psyché à de nombreux niveaux, couche par couche. Nous privant de notre discernement et de notre capacité à agir et à nous défendre.
Merci à toutes les femmes et les hommes qui ont lutté et luttent encore pour créer le contexte politique et social essentiel au respect des droits fondamentaux et de la dignité. Car l’hystérie qui n’a pas dit son dernier mot ! Elle parle toujours et encore à travers nos corps : de nos névroses, de nos souffrances quand les mots ne peuvent être posés et entendus.
SOUVEREINES
Prochainement, je vous parlerai du collectif SOUVEREINES qui mature depuis plusieurs mois… Et je vous donne d’or et déjà rendez-vous pour notre réunion de lancement le 7 décembre à Saint-Etienne. Vous pouvez vous inscrire sur ma page de réservation (tout en bas !)
Continuons à libérer la parole, à nous organiser, à nous soutenir, à cocréer et à lutter à notre échelle !
Sources :
« Reconstruire après le traumatisme » de Judith Lewis Herman.
« En Finir Avec L'hystérie (Prétendument) Féminine » d’Isabelle Siac.
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